dim.
09

poésies des CM1

Par FREQUELIN Nadege dans la catégorie dictées, auto dictées et poésies

MEDITATION GRISÂTRE

Sous le ciel pluvieux noyé de brumes sales,

Devant l’océan blême, assis sur un îlot,

Seul, loin de tout, je songe au clapotis du flot,

Dans le concert hurlant des mourantes rafales.

 

Crinière échevelée ainsi que des cavales,

Les vagues, se tordant, arrivent au galop,

Et croulent à mes pieds avec de longs sanglots

Qu’emporte la tourmente aux haleines brutales.

 

Partout le grand ciel, le brouillard et la mer,

Rien que l’affolement des vents balayant l’air.

Plus d’heures, plus d’humains, et solitaire, morne,

 

Je reste là, perdu dans l’horizon lointain

Et songe que l’Espace est sans borne, sans borne

Et que le temps n’aura jamais…jamais de fin.

Jules Laforgue

 

 

 

Plongée

Au soleil la mer est douce

comme un écran de satin

à sa surface je me pousse

nageant comme un poussin

 

mais le poussin gagne ses ailes

et le poussin devient poisson

et je m’envole hirondelle

vers les rochers au plus profond

 

je regarde mes congénères

se déplaçant vifs ou lents

ils sont à l’aise et me tolèrent

à leurs côtés barbotant

 

des herbes couvrent la rocaille

le paysage est délicieux

mais à la fin vaille que vaille

je dois remonter vers le ciel

Raymond QUENEAU

 

 

Voici monter la mer

L’eau brumeuse de la rivière
S’éveille dans le matin clair.
Du fond calme de l’estuaire
Voici monter, monter la mer.

Elle entre au cœur de la vallée
Comme un brusque jet de sang fort,
Et sa rude haleine salée
Ressuscite le pays mort ;

Et la vieille ville assoupie,
Tréguier, Pontrieux ou Quimper
Tressaille, comme si la vie
Montait en elle avec la mer ;

Et les barques, dont les mâts penchent
Si tristes, au pied des remparts,
Sentent soudain vibrer leurs planches
Comme à l’appel des grands départs…

Anatole Le Braz

 

Histoire de pirates

Trois des nôtres à flot balancés dans le pré.

Trois des nôtres dans l’herbe à bord d’un gros panier.

Soufflent dans le printemps les vents qui sont dans l’air.

Les vagues dans le pré sont vagues de la mer.

 

En étant embarqués, où tenter la conquête,

guidés par une étoile et bravant la tempête ?

En route pour l’Afrique, installés à la barre,

Pour Babylone ou Rhode Island, ou Malabar ?

 

Voici une armada qui nage dans la mer

Bétail sur la prairie tout à fait enragé,

Qui charge en mugissant ! Vite il faut nous sauver :

le perron est le port, le potager la terre.

Robert Louis Stevenson

 

 

Le relais

En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’oeil fatigué de voir et le corps engourdi.

Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, –
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !

On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,
De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux…
Hélas ! une voix crie : “En voiture, messieurs !”

Gérard de Nerval

 

 

LA FABLE DE LA MER A BOIRE

Un jour que Moluan s’en allait à la foire,

Il vit tant de poissons en mer qu’il se sentit

Soudain un furieux appétit.

S’il n’y avait plus d’eau, pensa ce grand penseur,

Je pourrais prendre les meilleurs.

Il entre dans la mer et commence à la boire.

Or, le reflux chassait la marée du rivage.

Tiens, se dit Moluan, j’en ai bu tant de tasses

Que la mer est déjà plus basse.

Je vais la boire tout entière jusqu’au fond,

Ainsi j’aurai tous les poissons,

Je passerai, aux yeux des hommes, pour un Sage.

Vint à passer par là Tjolaï le pêcheur

Qui surprend le buveur.

Idiot, fait Tjolaï, qu’as-tu donc dans la tête ?

Peut-on être aussi bête !

Jamais l’océan ne s’assèche.

Si tu veux du poisson, prends ton arc et tes flèches.

Anonyme populaire ancien – Îles Salomon

 

 

Mer montante

Le soleil semble un phare à feux fixes et blancs.
Du Raz jusqu’à Penmarc’h la côte entière fume,
Et seuls, contre le vent qui rebrousse leur plume,
A travers la tempête errent les goëlands.

L’une après l’autre, avec de furieux élans,
Les lames glauques sous leur crinière d’écume,
Dans un tonnerre sourd s’éparpillant en brume,
Empanachent au loin les récifs ruisselants.

Et j’ai laissé courir le flot de ma pensée,
Rêves, espoirs, regrets de force dépensée,
Sans qu’il en reste rien qu’un souvenir amer.

L’Océan m’a parlé d’une voix fraternelle,
Car la même clameur que pousse encor la mer
Monte de l’homme aux Dieux, vainement éternelle.

José-Maria de Hérédia

 

 

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

Joachim Du Bellay

 

LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

Un voyageur pensif en fronçant fort son front

contemplait la nature énorme énorme chose

pleine de mystères et de contradictions

pleines de boules puantes et de fleurs écloses

Tout autour s’étendaient les prés et la verdure

les volcans les jardins les rochers et l’azur

les forêts les radis les oiseaux les pinsons

les golfes les déserts les bœufs  les charançons

Et le penseur pensif toujours fronçant sa hure

contemplait contemplait contemplait la nature

Il se mit à pleuvoir Alors le voyageur

ouvrit son parapluie et regarda quelle heure

il était à sa montre et reprit son chemin

en murmurant tout bas : moi je n’y comprends rien.

Raymond Queneau

 

L’aventure

Les mâts qui se balancent

dans ce grand port de la Manche

n’emporteront pas l’écolier

vers les îles des boucaniers

 

jamais, jamais, jamais

il n’eut l’idée de se glisser

à bord du trois – mâts qui s’élance

vers le golfe du Mexique

 

il le suit sur la carte

qui bellement se déplace

avant les longitudes

vers Galveston ou Tampico

 

il a le goût de l’aventure

l’écolier qui sait regarder

de si beaux bateaux naviguer

 

sans y mettre le pied

sans y mettre le pied

Raymond Queneau

 

 

 

 

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