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Le petit buveur d’encre rouge CHAPITRE 5

Par Enseignant Cl24 dans la catégorie Vie de l'école

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 Une mère-grand pas ordinaire.

– ODILON, mon petit, ne fais pas ça! Tu le regretteras toute ta vie.

– Occupez-vous de vos affaires, Mère-grand ! Après, ce sera votre tour!

J’ai promené mon museau au-dessus de Carmilla. Mon Dieu! qu’elle sentait bon… Et puis soudain, je me suis immobilisé, comme changé en statue. Par quel prodige Mère-grand avait-elle pu m’appeler par mon nom ? Pour elle, j’étais le loup, un point c’est tout. J’ai tourné mon regard jaune vers le lit. La vieille femme s’était assise et avait retiré son bonnet de nuit. Son visage me disait vaguement quelque chose mais le peu de lumière qui pénétrait dans la pièce m’empêchait de bien distinguer ses traits. Alors, les mots du conte sont sortis de ma bouche, malgré moi…

– Ma mère-grand, que vous avez de grands bras!

– C’est pour attraper les livres les plus hauts, mon enfant.

– Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes! Mais pourquoi sont-elles toutes molles?

– Ma mère-grand, que vous avez de grandes… de… de ridicules et minuscules oreilles –

Elles étaient belles autrefois. Avec le temps, je deviens un peu dure d’oreille, mon enfant.

– Ma mère-grand, comme vos yeux sont rouges!

– C’est pour mieux voir dans la nuit, mon enfant.

– Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents ! Et comme elles sont brillantes et pointues!

– Ce sont des dents de buveur d’encre, mon enfant!

Les réponses bizarres de Mère-grand se sont éclairées d’un coup quand je l’ai reconnue. C’était oncle Draculivre ! Dire que j’avais été à deux doigts de le manger lui aussi… Au même moment, j’ai senti mes griffes se rétracter et mes crocs se transformer en dents. Tous mes poils ont disparu et mes cheveux sont revenus. Je me suis redressé sur mes pieds. J’avais retrouvé mon aspect normal. Enfin ! J’étais de retour devant la Bibliothèque du Monde. Carmilla était allongée sur notre banc favori, endormie.
Elle ressemblait toujours au Petit Chaperon rouge… – Tonton Draculivre, j’ai failli faire une grosse bêtise. – Je sais, c’est pour cette raison que je suis descendu dans le livre. Quand j’ai vu le loup et le Petit Chaperon rouge se promener dans Dracuville, j’ai compris que quelque chose ne tournait pas rond. Alors j’ai envoyé Mère-grand en vacances et j’ai pris sa place pour voir comment vous vous débrouilliez. Il arrive parfois que les buveurs d’encre les plus goulus soient aspirés dans un livre. Pour ne pas rester prisonniers des pages, il faut se montrer plus fort que l’histoire en la transformant un tout petit peu. Si ce matin oncle Draculivre nous avait annoncé que nous pouvions passer de l’autre côté de notre paille, jamais nous ne l’aurions cru. – Au fait, où sont-ils, tonton? – Qui ça? – Ben le Chaperon rouge et le loup, pardi! – Ils sont retournés dans leur conte. Mère-grand est revenue de vacances. Bref, les choses sont rentrées dans l’ordre. À présent, tu ferais peut-être mieux de t’occuper d’elle, a-t-il conclu en désignant ma fiancée tout de rouge vêtue. Je me suis penché au-dessus du corps inanimé de ma Petite Carmilla rouge. Comment la réveiller en douceur? L’histoire de La Belle au bois dormant est revenue à ma mémoire. J’ai souri. C’était facile. Je me suis mis à genou pour déposer sur ses lèvres un long baiser au goût d’encre bleue des mers du Sud. Alors elle a ouvert ses jolis yeux. Dès qu’elle m’a vu, elle a repris son apparence de buveuse d’encre. Puis elle a bâillé. — Oh. Je me sens aussi bien que si j’avais dormi cent ans… En fait, elle n’avait pas dormi plus de cinq minutes. C’était ça, la magie des contes

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